Petite chronique autour d’un salon, Mulhouse Art 3F 2018, où nous exposons.
Sur la route en voiture, depuis Toulon, en deçà et légèrement au-delà de la ville alsacienne, deux hauts lieux de l’art occidental: Beaune et Colmar. Deux petites villes qui protègent deux grands chefs d’oeuvre: le retable des Hospices de Beaune et le retable d’Issenheim; deux artistes, Rogier van der Weyden, 1399-1464 et Matthias Grünwald, 1475-1528.
Notre première étape est Colmar, la veille du Salon. Le retable est abrité par le musée Unterlinden. Quelques salles à traverser, dont celle du peintre Martin Schongauer, pour arriver devant le retable, aujourd’hui en restauration « publique ». Il est développé dans l’espace et toutes ses parties peintes sont visibles dans le même temps: la Crucifixion, la déploration sur le corps du Christ, Saint Sebastien et Saint Antoine pour le retable fermé. Le Concert des Anges et la Vierge à l’Enfant, l’Annonciation et la Résurrection pour la première ouverture, la visite de Saint Antoine à Saint Paul ermite, l’agression de Saint Antoine par les démons pour la deuxième ouverture. Voici un des plus magistraux exemples de peinture expressionniste, baroque, qui trouve sa source et son inspiration dans les texte saints et la Légende Dorée et dont il n’existe d’oeuvres comparables que celle de son légèrement aîné Jérôme Bosch mais avec moins de violence dans la facture. Il semble que le chromatisme flamboyant, le graphisme aigu et noueux, l’invention inouïe de monstres hybrides, les détails quasi cliniques des chairs meurtries aient eu pour vocation d’effrayer et d’instruire le peuple sur la vertu des souffrances terrestres, sur les dangers du péché.
La même vocation sans doute pour le retable de Beaune (où nous faisons étape le lendemain du salon) mais pas la même expression. Rogier van der Weyden construit le récit du Jugement Dernier d’une main sobre, lisse, froide, donnant à admirer la sublime peau picturale glacée par les couches successives et savantes d’une huile dont les vertus venaient à peine d’être découvertes par son compatriote. C’est une peinture que l’on voudrait toucher, effleurer et qui frappe par sa radicale et céleste beauté. Tout aussi impressionnant que l’effroi terrestre du premier retable, l’un allant d’abord au corps, l’autre à l’esprit.