Mes portraits

On va en montrer ci-dessous, quelques uns de ceux qui me paraissent les plus signifiants. Un des volets du travail de Renaud Jobin est, comme le veut la bonne tradition et aussi comme son naturel l’y pousse, le portrait. J’ai placé, « à la une », le portrait qu’il a fait de sa mère. Parce qu’il est beau d’abord et que, sous son apparent détachement, il transmet une certaine dose d’émotion, pas toujours apparente chez cet artiste. Et aussi parce qu’il me semble caractéristique de sa manière de travailler, de son style. On précise tout de suite que Renaud Jobin « place » son modèle dans le décor qui lui convient, et qu’il se refuse à user de l’adjuvant ou de la béquille des clichés photos ( ce n’est pas un mal, les plus grands ont utilisé la photographie très tôt, dès que l’outil photographique l’a permis, c’est-à-dire à partir des années 1850 ; mais sauf erreur, et exception, il s’y refuse, par goût sans doute du défi vrai). Bien entendu lorsqu’il demande à sa mère de poser de cette façon sur un canapé, il a à l’esprit la cohorte des précédents jalonnant l’histoire de la peinture. Mais en fait, ces images ne constituent pour lui en aucune façon un frein à sa liberté de créateur. Ce qui lui importe avant tout, au-delà même du sujet, c’est la construction qu’il impose au tableau. On notera ici la rigueur de celle-ci : rien n’y paraît hors de place, toute l’énergie de la toile se concentre autour du centre, du « coeur », c’est-à-dire le personnage lui-même. Et pas la totalité du corps : les bras, les mains, le bout de jambe qu’on aperçoit sont délibérément traités comme éléments sinon accessoires, du moins périphériques. Cette grille d’analyse reposant sur l’énergie d’une oeuvre, je ne l’ai pas trouvée dans les ouvrages sur la peinture que j’ai pu lire, et il me semble pourtant qu’elle pourrait être féconde. On parle bien sûr de la construction, du dessin, de la couleur, mais si, au-delà ou en deçà, il y avait quelque chose d’autre, que j’appelle peut-être improprement énergie, permettant de manière holistique de rendre compte de l’impression que cause un tableau, n’y aurait-il pas une certaine  avancée? Je hasarde la question… Si je poursuis dans ce registre de l’analyse du quantum d’énergie contenu dans un tableau – et dans celui-ci en particulier, les vides, les « blancs » (qui peuvent être soit celui de la toile brute -assez rarement, selon les dires de Jobin- ou ceux d’un apprêt surajouté, et le sens peut alors en être différent) prennent alors leur sens. Ces blancs qui laissent une respiration (autre métaphore organiciste rejoignant le concept d’énergie) s’établir, sont en effet nombreux. Et divers quant à   leur fonction : c’est ainsi qu’on distinguera par exemple le blanc du coussin d’appui des autres espaces laissés « en blanc ». Ce blanc-ci a la valeur d’une couleur de plein exercice : il prend sa place entre le vert esquissé du canapé et le rouge, dense et plein de la robe. Au total, le tableau dans son ensemble dégage une impression  de grande sérénité et de force « tranquille » tout en laissant planer une dose d’inconnu, d’incertitude, nous laissant « sur notre faim » quant à l’identité réelle du sujet.
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Femme enceinte assise – huile sur toile – 65 x 51 cm
Si l’on retrouve quelques unes  des caractéristiques du tableau précédent, on en voit aussi ce qui les sépare. Là, l’artiste s’est intéressé à la totalité du sujet, et pas du tout ou presque pas à ce qui l’entoure. Le siège ne l’intéresse à l’évidence que par la possibilité qu’il lui donne de »sertir » l’écrin féminin de bleu ( comme c’est le cas pour certains coffrets à bijou), et le superbe bandeau bleu constellé d’étoiles a la même fonction. Mais tout se concentre sur la femme assise, et le giron porteur de vie qui en est le centre. On n’oubliera pas la main droite placée là où il faut.  Le visage est à dessein inexpressif. A la limite, il ne compte pas (même s’il est agréable et finement dessiné). Toute l’attention du peintre, son travail sur la lumière (sans doute rehaussé par l’utilisation du glacis) est centrée sur le ventre fécond. Hymne discret à la vie.
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Homme assis – huile sur toile – 65 x 51 cm
Autre aspect du portraitiste en ce tableau… Cette fois, et ce n’est pas coutume, il a décidé de consacrer un soin tout particulier au visage de l’homme assis. C’est lui qui est au centre du tableau, et c’est à son signifiant que doivent concourir le vêtement -dont l’intensité du bleu décroît au fur et à mesure que ses composantes s’éloignent du centre de gravité-, les membres traités plutôt comme supports dynamiques que comme objets à part (à l’exception du pied gauche dont l’inflexion de la voûte plantaire bien saisie et marquée comme pour nous renseigner davantage sur l’homme lui-même et sans doute aussi pour rééquilibrer quelque peu le tableau vers le bas – et nuancer le jugement porté plus haut). Les deux ombres autour de la tête, comme des souvenirs laissés là à dessein d’esquisses antérieures, ou des halos (si j’étais Zola, j’en ferais une ode au travail sanctificateur) ont une fonction identique : mettre en valeur la tête.
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Tête de femme – huile sur toile – 45 x 30 cm
Nous avons là, dans un style différent, puisqu’il s’agit de peindre non une personne « en pied » mais seulement un  visage, et rien d’autre même pas la chevelure, un même souci de rendre une expression, cette fois une tension.    

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