Les gigantomachies

Il y a un aspect du travail de Jobin que ses dernières expositions (à partir de 2010 pour schématiser) ne font pas apparaître, mais qui révèle néanmoins un côté des plus intéressants du peintre, c’est ce que j’appelle ses « gigantomachies » (référence à l’art grec pré-classique et classique, qui se complaisait dans les scènes de luttes entre les géants et les dieux, aux premiers stades de la théogonie). Lui les appelle ses « baigneurs », sans doute parce que l’une des toiles emblématiques de cette veine représente effectivement une « sortie de bain » (voir ci-dessous).

Baigneuse sortant de l’eau – huile sur toile – 150 x 150 cm

On voit bien sûr les influences, le côté « cézannien » et, plus loin, mais peut-être plus profond dans les méandres cérébelleux de l’artiste, l’ombre tutélaire de Poussin (un de ses « Phares »). On devine aussi les aspirations architectoniques, constructivistes, qui poussent l’artiste à brosser sur de grands, voire très grands formats, un univers de formes grouillantes, humaines certes mais pas forcément différenciées. Le tout nous entraînant dans un grand rêve démiurgique et bruyant, sorte de symphonie galvanique, mais où le mouvement général, tout le contraire du chaos pourtant, est fait d’immobilités ajoutées. Deux tableaux nous révèlent les deux pôles opposés nourrissant cette veine.

Composition à la colonne – huile sur toile – 160 x 160 cm -2009

Et l’autre pôle….

Qui nous vaut ces autres tableaux…

Lui-même, lorsqu’il explique sa démarche , parle d’une « peinture aléatoire », « d’improvisations sans sujet, de lignes et de taches jetées sur la toile, jusqu’à ce qu’apparaissent un indice de forme saisissable par l’imagination orientée ». Mais ce propos concernait avant tout la série appelée « Compositions », dont nous venons de montrer trois exemples.

Personnellement, lorsque j’ai vu ces toiles « Monumenta », pour la première fois, je reconnais n’y avoir pas été vraiment sensible. Depuis, j’ai évolué et leur trouve un intérêt croissant. Il s’en dégage une puissance d’évocation, une force, qui force l’attention et l’adhésion.

Je n’ai pas mentionné quelques exemples d’une sorte de synthèse entre les différentes « pattes » de l’artiste, que nous offrent certains tableaux plus récents et que l’on pourrait rattacher à cette veine. Tableaux dans lesquels la geste de ces héros anonymes de légendes perdues que sont les « baigneurs » de Jobin, s’intègrent harmonieusement et paisiblement dans un cadre de nature et paysager non plus traité comme fond de décor (n’oublions pas le passage de Renaud Jobin dans la décoration théâtrale à l’Opéra de Toulon, dans ses débuts), mais comme un sujet à part égale et entière au même titre que les personnages. Et il en résulte de vraies réussites, et même une sorte de « chef d’œuvre » (au sens donné au terme par les commissaires de la récente exposition « Picasso, chef d’oeuvre! » au Musée Picasso, dans leur catalogue, appelé à devenir ouvrage de référence) comme le tableau suivant.

Rêve d’Arcadie – huile sur toile – 100 x 100 cm

Je vois Renaud Jobin reprendre à l’avenir et à nouveaux frais cette veine d’inspiration. Et je pense qu’il y aurait lieu de s’en réjouir…

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